Agressée violemment par un patient, une ancienne préposée aux bénéficiaires met en garde les futurs diplômés

Mélanie Beaudry a été préposée aux bénéficiaires pendant 12 ans.

Alors que la première cohorte d’étudiants du nouveau programme Soutien aux soins d’assistance en établissement de santé arrivera cette semaine en renfort dans les CHSLD, une ancienne préposée aux bénéficiaires souhaite les mettre en garde, elle qui a été violemment battue par un patient.

Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, Ma Côte-Nord.com

Mélanie Beaudry a été préposée aux bénéficiaires pendant 12 ans, notamment à Baie-Comeau. On doit parler au passé, car depuis 2017, elle n’a plus jamais remis les pieds dans un CHSLD, et ce, à son grand désarroi.

La femme de 44 ans se souvient de chaque geste de son agresseur, il y a trois ans. Elle revoit ses yeux exorbités, les sourcils froncés, son air furibond. «J’en fais des cauchemars», lance-t-elle en serrant les dents. 

«Je devais lui donner son bain. Dès que j’ai franchi la porte, il m’a poussé contre le mur et m’a rudoyée de coups de poing sur le corps et au visage. Il m’a cassé trois dents et défait la mâchoire.» 

Avant d’y laisser sa peau, elle est parvenue à raisonner l’homme de 70 ans, décrit comme corpulent, souffrant d’Alzheimer. Grièvement blessée, elle est sortie de la chambre pour demander du secours. 

«Je n’ai jamais su pourquoi il m’avait battue. Je ne vois rien d’autre qu’il était en colère parce qu’il refusait de prendre son bain. En voulant le déshabiller, il pensait que je voulais l’agresser», a-t-elle raconté à macotenord.com

«Ce n’est pas de sa faute. Je lui pardonne. C’est une personne malade. L’Alzheimer est une maladie qui peut faire faire des choses à des gens sans en être conscient», déplore cette dernière. 

Six mois dans son sous-sol

Bien qu’elle ait pardonné, Mélanie Beaudry a beaucoup souffert. Et elle souffre encore. 

«Ce n’est pas rose ce que je vis. On pourrait dire que je semble bien aller, mais dans ma tête, ça ne va pas du tout. J’ai dû me rebâtir en tant que personne.»

«Physiquement, la douleur sera permanente et je devrai prendre de la médication pour le restant de mes jours. Incapable de mastiquer, j’ai mangé liquide pendant un an.  Mentalement, ça fait mal aussi. J’aimais tellement mes personnes âgées. Je ne serai plus jamais préposée, trop peur. La personne qui m’a frappée a tout brisé», livre-t-elle la gorge nouée par l’émotion. 

Dans une vidéo publiée sur Facebook, elle dit être demeurée six mois prisonnière au sous-sol, «sans voir personne». Elle avait peur d’être attaquée dans la rue.

«C’était ma vie d’assurer une présence rassurante et bienveillante aux aînés et aux personnes vulnérables. Travailler auprès de cette clientèle m’a permis de vivre des expériences humaines enrichissantes», souligne cette mère de trois enfants, avant de laisser aller un grand soupire, marqué d’un long silence.

Une formation «nettement insuffisante»

Mélanie Beaudry a accepté de nous raconter sa traumatisante aventure pour mettre en garde les futurs préposés. «C’est loin d’être de tout repos. Mais, si je n’avais pas été attaquée, je serais encore avec mes amours du troisième âge.» 

A priori, elle mentionne que la formation de 375 heures réparties sur 12 semaines est «nettement insuffisante.»  

«Sur le plancher, les nouveaux préposés vont vite constater que leur travail, c’est beaucoup plus que de changer des couches et de donner des médicaments. Sortir une personne de son lit qui ne veut pas se lever, car elle s’imagine que tu veux la violer, elle te frappera, tirera les cheveux et mordra», dénonce celle qui est aujourd’hui technicienne en laboratoire. 

Sur le site internet du gouvernement du Québec, il est écrit que cette formation de Soutien aux soins d’assistance en établissement de santé est de courte durée. On peut également y lire que la formation permettra à des milliers de personnes de contribuer rapidement à l’effort sanitaire. La mise en place de cette attestation est un moyen exceptionnel de rendre rapidement disponibles des travailleurs qualifiés. 

On y ajoute qu’avec la nouvelle attestation d’études professionnelles, le gouvernement veut faciliter l’accès à une formation de qualité et à un emploi gratifiant où chaque geste fait du bien. 

Rappelons qu’en juin, dans la foulée de la COVID-19, Québec a déployé d’urgence une formation accélérée pour embaucher 10 000 préposés en CHSLD. Les caquistes ont alors sorti le chéquier promettant un salaire annuel de 49 000 $, une bourse de 760 $ par semaine pendant la formation et un emploi à temps plein avec de bonnes conditions.

«Si tu fais ça pour l’argent, change de métier, car tu vas être malheureux toute ta vie. C’est une vocation et non un job. Et ce n’est pas tout le monde qui est dans la bonne branche», conclut celle qui n’oubliera jamais ses 12 ans à réaliser différentes tâches pour ces personnes souvent en «perte d’autonomie totale» afin de leur apporter réconfort et améliorer leur qualité de vie.