
Pendant que le Québec se bat pour réduire son taux préoccupant de décrochage scolaire, notamment chez les Innus, on parle peu des raccrocheurs qui reprennent le chemin des études, plusieurs années après avoir abandonné l’école.
Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, Macôtenord.com
Annie-Tricia Thirnish-St-Onge, 28 ans, en avait assez de l’étiquette de «décrocheuse».
«J’ai recommencé l’école dès que mes enfants sont entrés à la garderie. J’avais besoin d’être concentrée aux études.»
L’achèvement des études dans le but d’obtenir un diplôme relève de la ténacité et nécessite beaucoup d’organisation, surtout pour celle qui souffre d’anxiété généralisée.
«C’est primordial d’être bien organisée et encore plus pour une personne anxieuse. Mes enfants sont importants et je dois m’assurer de bien les élever», assure la jeune femme de Uashat-Maliotenam.
D’ailleurs, c’est pour offrir une meilleure qualité de vie à ses enfants que Annie-Tricia s’est replongée dans ses livres. Toutefois, le raccrochage scolaire ne s’opère pas sans difficulté.
«J’ai eu besoin de 5 ans pour finir mon secondaire 3, 4 et 5. Je devais aussi m’occuper de mes enfants, le soir venu.»
Une histoire de persévérance racontée par le Centre régional d’éducation des adultes (CRÉA) de Uashat-Maliotenam et publiée sur le web. L’idée est celle de Kathleene St-Onge, conseillère en orientation au CRÉA et la réalisation de la vidéo est l’œuvre de Martin-Pierre Tremblay.
Un témoignage touchant qui permet d’apprendre que Annie-Tricia rêvait de devenir enseignante à son jeune âge. «Je me vois encore jouer au professeur dans mon sous-sol.»
Cette mère de famille de jeunes enfants a décidé de placer les bonnes priorités aux bonnes places et la voilà rendue au cégep en sciences humaines, à quelques pas de son rêve d’enseigner.
«J’aime aider et j’adore m’occuper des enfants. L’été, je travaille dans un CPE. Je me dis je veux faire le métier d’enseignante, je vais faire ça.»
Notons que parmi les milliers de raccrocheurs au Québec chaque année, 30% poursuivent leur cheminement à des études collégiales. Atteindre le niveau universitaire comme le souhaite Annie-Tricia est encore plus digne d’un exploit.
D’autant plus que le raccrochage conduit parfois à un nouveau décrochage. Ça ne risque pas d’arriver pour Annie-Tricia préférant tenir à distance les préjugés relatifs et peu flatteurs à l’endroit des décrocheurs.
La différence c’est que les raccrocheurs reviennent de leur plein gré et motivés sur les bancs d’école. Fini la discipline.
Ils sont même attentionnés et studieux, deux antipodes avec leur jeunesse.
Plusieurs admettent alors que l’école de la vie leur a appris que sans diplôme, les emplois à temps partiels et rémunérés au salaire minimum ne feront que se succéder, ne permettant pas de croire que malgré un passé douloureux de décrocheur, un avenir incertain certes, mais rempli d’espoir peut pointer à l’horizon.