Des maisons de répit non adaptées à la COVID-19

Une mère monoparentale déplore que les maisons de répit pour enfants handicapés ne se soient pas adaptées à la pandémie. Une triste réalité pour Isabelle Morneau de Les Escoumins qui l’oblige à faire des choix déchirants.

Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, Macôtenord.com

« Si je vais porter mon fils à la maison de répit, je ne peux plus le ramener à la maison familiale. À moins que je décide de ne plus aller le reporter dans sa maison de répit. Bref, une fois qu’il est sorti de la maison de répit de type familial, il n’a plus le droit d’y retourner », explique la maman de 33 ans.

Très proche de ses enfants, Isabelle a décidé de quitter son emploi d’infirmière auxiliaire à l’hôpital pour s’occuper à temps plein de son fils, Gabriel, 14 ans, lourdement handicapé.

Un enfant qui demande une présence 24 heures sur 24 étant autiste, épileptique, semi-paralysé, quasi aveugle. Il était mort-né nécessitant une réanimation cardiaque à sa naissance qui a laissé de lourdes traces à son cerveau et à la suite de deux AVC. Gabriel a marché pour la première fois à l’âge de 4 ans. Il a demandé la toilette qu’à l’âge de 8 ans. Il a une main et un pied plus petit. L’adolescent se déplace régulièrement en fauteuil roulant, incapable de marcher sur de courte distance.  

Sa mère n’a pas eu de pause depuis avril dernier en raison des mesures mises de l’avant par le gouvernement pour limiter la propagation du coronavirus qui l’empêche d’aller porter son fils dans une maison de répit, sans menace de devoir « l’abandonner là avec des étrangers, loin de sa famille pour un temps indéterminé ». Elle est épuisée, brûlée et enceinte de 18 mois.

« Mon fils est très ingrat. Il ne sait pas être reconnaissant. Parfois, je le lave et s’il refuse de me donner son pied, il se fâche, me frappe et me donne des coups de pieds. Pas facile de garder sa patience », admet celle qui est également mère d’une petite fille de 6 ans, en pleine forme.

Rappelons qu’en 2018, Isabelle avait dû sortir dans les médias alors que le CISSS de la Côte-Nord menaçait de placer son fils dans un CHSLD, faute de ressources adaptées pour lui sur la Côte-Nord. Des sorties médiatiques qui avaient permis à la mère de trouver une solution plus humaine.

Mais depuis, elle est de nouveau seule pour offrir une qualité de vie acceptable à son fils handicapé. Découragée, elle lance un cri du cœur. Un autre.

« Avoir un enfant comme Gabriel est une routine constante. Je l’aime de tout mon cœur, mon petit amour, seulement, je ne sais pas sur qui m’épauler », livre-t-elle au bord des larmes. 

Ce qui fait encore aussi sinon plus mal est le regard des autres. Isabelle dit être jugée par des gens qui ne savent rien de sa vie.    

« Si je dis que je suis fatiguée, on me juge de ne pas travailler en ce moment et de n’avoir juste ça à faire de m’occuper de mes enfants. Peu importe ce que je vais dire, on me jugera d’une façon ou d’une autre. »

Pourtant, Isabelle aimerait bien s’évader dans la nature, elle qui aime les randonnées en motoneige. « Penses-tu que ça ne me tente pas de m’offrir une activité, marcher dans le bois en raquette, m’échapper de la maison un soir pour un souper avec une amie, jouer dans la neige sans devoir forcer sur un fauteuil roulant? Penses-tu que d’avoir une vie sociale ça ne me manque pas? »

Isabelle dit se sentir coupable si elle ose penser à elle. « Si je prends une fin de semaine pour moi, je suis fatiguée et manque d’énergie pour le reste. »

« Mon père se fiche bien de nous et ma mère est malade. C’est donc difficile pour elle de prendre soin de Gab, parce qu’il profite toujours de la situation. Il n’est pas facile à garder. Quand il était jeune, tout le monde le voulait maintenant qu’il est grand, les gens ne sont pas capables de garder le contrôle. Il est souvent frustré et agressif. »

Interdit en zone rouge

Au CISSS de la Côte-Nord, on mentionne tout d’abord que les consignes peuvent varier s’il s’agit d’une ressource intermédiaire, de type familial ou un autre type de ressource, comme un organisme communautaire.

Pour ensuite préciser que « l’hébergement temporaire (répit, dépannage) n’est pas permis quand la région est au palier rouge. Du placement d’urgence peut être possible dans certaines situations particulières », répond Pascal Paradis, conseiller en communication au CISSS.

De plus, Isabelle Morneau souhaite retrouver son boulot, elle qui adore  »ses » patients. « J’attends une réponse de mon employeur pour retourner travailler au moins avec un travail administratif étant en arrêt préventif puisque je suis enceinte de mon troisième. Retourner travailler, voir du monde, me changera les idées. »

Combattante, Isabelle assure en avoir vu d’autres. « J’aime ma vie malgré tout, j’adore mes enfants. Je serai toujours une mère seule et monoparentale, car c’est ainsi ma vie. Je vais remonter la pente parce que ça m’en prend plus que ça pour me jeter à terre. »