
Alors que les Nord-Côtiers sont submergés par la deuxième vague de la COVID-19 dans laquelle les histoires troublantes en santé mentale refont surface, jamais le temps d’attente pour consulter un psychologue n’aura été aussi long. En fait, aucun n’est disponible sur l’ensemble du territoire pour rencontrer sur-le-champ une personne en mal de vivre.
Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, MaCôte-Nord.com
Macotenord.com a poussé ses recherches pour constater que le problème d’accessibilité dans la région à un psychologue est criant, voire inquiétant.
Dès 27 psychologues trouvés via le site de l’Ordre des psychologues du Québec, du bottin de santé ou encore des vieilles pages jaunes, chaque psychologue a été contacté, sans exception.
Certains n’ont pas retourné nos appels échelonnés sur une semaine.
D’autres sont à la retraite ou en pré-retraite ne travaillant que deux à trois jours par semaine.
Aucun n’est disponible pour une consultation immédiate. On parle d’un délai moyen de six mois au secteur privé et le double au secteur public.
Selon nos informations, à Port-Cartier, loin d’être la plus petite localité de la région, il n’y aurait plus un seul psychologue en poste autant au privé qu’au public. Sauf exception de ceux embauchés au pénitencier fédéral qui ne peuvent rencontrer que des employés ou des prisonniers.
Au Havre-Saint-Pierre, plus précisément à l’école Mgr Labrie, un psychologue, en provenance de Montréal, est de passage de deux à trois fois durant toute l’année scolaire.
À Sept-Îles, on dénombrerait que quatre psychologues en bureau privé et un seul y consacrerait sa semaine à rencontrer des patients. Tous les autres pratiqueraient en institution.
On peut aussi mentionner qu’il y a deux psychologues pour répondre aux besoins grandissants des membres de la communauté de Uashat-Maliotenam.
Sur la boîte vocale du psychologue, Denis Doucet, le message est on ne peut plus clair: « Aucun service de psychologie ne sera dorénavant offert. »
La docteure Sophie Boudreault précise dans son message enregistré sur son répondeur que « les téléconsultations se feront par skype ou par zoom. »
Pour sa part, la Dre Marie-Eve Côté indique qu »aucun nouveau patient » ne sera pris en charge.
La psychologue du Cégep de Baie-Comeau, Andree-Ann Provencal, doit également composer avec la difficulté de trouver un de ses homologues à l’externe, dont le prix moyen pour une consultation est de 120$ l’heure.
« Il m’arrive de devoir référer un étudiant à un psychologue en dehors du cégep parce que leurs besoins ne répondent pas à mon mandat et c’est vrai que ce n’est pas simple. »
Toujours selon notre recherche, moins de trois psychologues seraient à temps plein en bureau privé à Baie-Comeau.
En fait, la seule psychologue parmi tous ceux contactés qui pourrait rencontrer un patient dans un délai raisonnable d’une à deux semaines se trouve à Pointe-Lebel.
La raison est simple : Dre Caroline Paré vient d’arriver en sol nord-côtier.
« Ma liste d’attente n’est pas encore complète, car je viens de m’installer ici. Avant, je pratiquais dans la région de Drummondville », souligne-t-elle en ajoutant que tous les psychologues doivent réduire la cadence en raison des mesures de sécurité imposées pour diminuer les risques de propagation de la COVID-19.
Les conséquences sont alarmantes
Maintenant que la preuve est faite que pour rencontrer un psychologue sur la Côte-Nord, il faut s’armer de patience, quand en est-il des conséquences d’une personne malade qui ne peut consulter.
« Moi je travaille beaucoup en anxiété et en dépression alors si une personne n’est pas capable de rencontrer tout de suite un psychologue, c’est le médecin qui va supporter et la personne risque de s’aggraver. Dans un cas de dépression, on sait que la médication avec de la psychothérapie donnent les résultats les plus probants. Si la dépression s’aggrave, ça veut dire que la problématique se chronicise et lorsqu’une problématique est chronicisée ça prend plus de temps à guérir. C’est un cercle vicieux qui ne finit plus », explique la Dre Josée Dufour, elle aussi en pré-retraite depuis avril dernier.
« J’ai pris ma retraite du secteur public pour notamment ouvrir ma clinique chez-moi à trois jours par semaine et ma liste d’attente est bloquée. Uniquement durant la dernière semaine, j’ai reçu cinq demandes que j’ai été obligée de refuser » dit-elle.
Rappelons que les spécialistes prévoient que la 3e vague sera une vague de santé mentale alors que les cas se multiplieront et seront de plus en plus lourds.
« C’est déjà le cas. Je reçois plus de patients depuis la pandémie. Les gens ne consultent pas directement pour la pandémie. Les gens consultent pour des situations exacerbées par la pandémie. Des gens anxieux qui parvenaient à s’en sortir avant on plus de difficulté aujourd’hui », a remarqué le psychologue de Sept Îles, le Dr Fernand Marcoux.
À l’Ordre des psychologues du Québec, on souligne que la problématique d’avoir accès à un psychologue est répandue à travers le Québec. Du même souffle, on mentionne que ce n’est pas nécessairement une question de pénurie de psychologues précisant que le Québec est la province canadienne avec le plus grand nombre de psychologues au prorata de la population.