Huit ans à la mairie de Sept-Îles : entretien avec Réjean Porlier

Le maire de Sept-Îles Réjean Porlier

Un changement de garde s’en vient dans moins d’une semaine à la mairie de Sept-Îles. Arsenal Media a profité des derniers jours de Réjean Porlier au poste de maire, pour revenir sur ses huit années à la tête de la principale ville de la Côte-Nord. Dans ce premier texte d’une série de trois, nous revenons sur le travail et les pièges qui guettent les politiciens, de tous les paliers de pouvoir.

Dire les vraies choses

Claude Fortin : Que retenez-vous de vos huit années à la mairie de Sept-Îles?

Réjean Porlier : « C’est un métier passionnant, celui de maire d’une municipalité. Mais il faut être conscient que c’est du temps. Il faut être capable d’y consacrer du temps, beaucoup de temps, du temps de qualité. Ce n’est pas du 8 à 4. Faut prendre le temps de rencontrer les gens, et je le savais lorsque j’ai pris le poste. Je le savais qu’il y aurait des soirées, des inaugurations, des fins de semaine qui seraient occupées donc, familialement, y a un impact à faire ce métier-là. Mais en même temps, on le fait parce qu’on est passionné. Faut être passionné, je pense, pour exercer ce métier-là. Ce sont huit années où je ne suis jamais rentré à reculons parce que les défis sont continuels. Il y a de petits défis, mais il y en a de grands aussi. Dans une municipalité il arrive tellement de choses dans une journée, dans une semaine, dans un mois, c’est incroyable. D’un bris d’aqueduc imprévu qui vient changer la donne lorsqu’arrive le budget, à un programme qui débarque du fédéral ou du provincial qui vient nous aider à traverser ces choses. C’est fait de tout et d’abord, de contacts humains. »

CF : Vous évoquez l’importance des contacts humains, quel conseil donneriez-vous à une personne qui se lance en politique?

RP : « La première chose, c’est d’être honnête. J’écoute, j’entends. Il y a des endroits où les gens promettent de geler les taxes alors qu’ils n’ont même pas été dans le fauteuil une seule fois, et quand ils vont arriver à l’exercice du budget, de toute évidence il va falloir qu’ils coupent dans quelque chose. Ils ne savent pas quoi au moment de faire leur promesse, mais c’est le genre de choses qui plaît aux électeurs. »

CF : Que pensez-vous de toutes ces promesses faites par les politiciens?

RP : « On est témoins de beaucoup de cynisme dans le milieu politique. À tous les niveaux. Ce cynisme-là n’est pas là par hasard. C’est le résultat, à mon avis, de dire à des gens des choses qu’on ne pourra pas livrer, de promettre toutes sortes de choses. Dans tout ça, je vois deux groupes de personnes qui se lancent en politique. Je vois les politiciens de carrière qui sont prêts à peu près à n’importe quoi pour faire leur carrière en politique. Puis je vois les autres qui débarquent là en se disant, je vais essayer de faire ce que je peux et ça durera le temps que ça durera. Moi, j’ai promis de faire de mon mieux. J’avais peu de risques avec ça. »

CF : Est-ce que c’est facile d’être honnête? Est-ce que ça ne devient pas tentant, parfois, je ne dis pas de mentir, mais de ne pas dire toute la vérité aux citoyens?

RP :  C’est facile d’être honnête si tu t’es donné cette règle-là dès le début. Mais, ça peut te coûter ton emploi. Faut juste pas tomber dans le piège de dire aux gens ce qu’ils veulent entendre. Dès le départ, faut que tu établisses cette chose-là. De dire, écoutez, moi je vais vous dire les vraies choses. La journée où vous ne serez pas prêts à les entendre, et ça va peut-être venir, eh bien, vous risquerez quelque chose d’autre. Ça vous appartiendra, et c’est correct. 

CF : Vous parliez de cynisme, tout à l’heure, comment fait-on pour convaincre les citoyens de la justesse de nos décisions?

RP : « Aller vers les gens, c’est essentiel. Quand tu vas les rencontrer, tu es capable de leur parler du budget. T’es capable de leur expliquer pourquoi le gel de taxe, ce n’est pas facile, à moins qu’on ait fait des gains ailleurs. Nous, à Sept-Îles, on a établi la règle d’au moins une rencontre par année avec les citoyens de chacun des districts et quand je rencontre les citoyens, je fais cet exercice avec eux. Supposons qu’on est un groupe et qu’on ouvre une ville ensemble. Qu’est-ce qu’on met comme priorités? Une bibliothèque, une piscine, un aréna? Là on se dit, voilà on ouvre notre ville, voici ce que ça nous prend, voilà les moyens qu’on a pour faire rouler tout ça, on va sans doute aussi emprunter, au début, pour construire tout ça. Quand va arriver l’année numéro 1, est-ce que je monte les taxes? Si vous répondez non à ça, vous n’avez rien compris. Dès la première année, tout va avoir augmenté : les salaires, les assurances, l’électricité. Tout va augmenter et vous me dites : on n’augmentera pas les taxes? Mauvaise réponse. »

À lire demain : maire et agent de développement économique.