Le syndrome de la traverse, un enjeu de sécurité en faveur d’un pont

Ces jours-ci, ce n'est pas l'insatisfaction syndicale qui crée de l'attente sur la traverse de Tadoussac, mais... (photo Facebook)

Au chapitre des éléments évoqués au fil des années pour appuyer l’idée de la construction d’un pont en lieu et place de la traverse entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine, figure l’enjeu de la sécurité routière. L’empressement de certains conducteurs pour atteindre la traverse ou en sortir est un phénomène aujourd’hui bien connu sous le nom du syndrome de la traverse.

Avec la collaboration de Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, Macôtenord.com

Le coroner Arnaud Samson celui qui a été le premier à dénoncer publiquement dans les années 2000 ce comportement des automobilistes, était encore plus direct dans ses propos décrivant l’arrivée à la traverse comme «une ligne d’arrivée» et la sortie du traversier comme «le départ d’une course de formule 1».

Le Dr Samson le mentionnait déjà dans son rapport à la suite d’un accident à l’époque affirmant que ce syndrome était connu de tous les utilisateurs des traversiers que plusieurs expliquent par une agressivité mal contenue d’un conducteur, dont la majorité sont habituellement prudents sur la route.

Sauf que la peur de manquer la traverse change le comportement du conducteur au volant avant, après et pendant la traversée, dont la durée est estimée à plus ou moins 15 minutes, incluant l’embarquement et le débarquement.

C’est que le fait de devoir emprunter le traversier à des heures fixes provoque chez certains un changement «psychosociologique» et ce, à partir des Escoumins en direction Ouest et à la hauteur de La Malbaie en direction est.

Plus on approche du Saguenay, plus la perception de ligne d’arrivée s’amplifie. Sachant que le traversier n’est plus bien loin, le conducteur qui suit un automobiliste qui roule sous la vitesse permise ou un peloton de véhicules, ce conducteur ressent de l’agressivité étant incapable de les doubler en raison de la géométrie routière.

Lors de l’embarquement, le conducteur peut ressentir un sentiment de «bien-être intense» s’il croit avoir été chanceux d’avoir «réussi» à embarquer parmi les derniers. Même sentiment au moment de la traversée s’il est dirigé vers la sortie par l’homme de pont de la traverse, en avant de tracteurs routiers, qui auraient pu l’obliger à rouler plus lentement rallongeant ainsi la durée du voyage.

Et au moment de quitter le navire, l’intensité du syndrome de la traverse sera proportionnelle à la distance que le conducteur doit parcourir pour se rendre à destination. La fatigue reliée à la conduite joue également un rôle important, tout comme la saison avec un engorgement créé par l’afflux touristique de l’été de même que les tempêtes en hiver.

De plus, le conducteur pourra ressentir de l’agressivité mal contenue s’il croit avoir été malchanceux malgré tous les efforts de conduite qu’il a déployé de n’avoir pas réussi à embarquer, et ce, souvent en ne respectant pas les règles de la sécurité routière.

Un sentiment similaire s’il n’arrive pas à imposer à l’homme de pont de la traverse, le choix de file qui habituellement sort en premier et dans laquelle il tente de s’engager ou encore s’il croit avoir été désavantagé par ce même employé en ayant été dirigé dans une file qui risque de quitter le bateau en dernier.

Ce syndrome, dangereux pour celui qui en est atteint, peut avoir des répercussions  sur d’autres automobilistes causant des accidents mineurs ou mortels. Une situation doublement dangereuse sachant que les automobilistes qui se rencontrent dans chacune des voies de la route 138 aux abords de la traverse peuvent vivre ce sentiment de colère, décuplant ainsi les risques d’accident.

On parlait de quelque 500 accidents par année, dont une dizaine mortels, du côté de Tadoussac. Et légèrement plus élevé pour les accidents matériels, mais presque le double pour les accidents mortels du côté de Baie-Sainte-Catherine.

Notons que la route 138 est le seul lien terrestre pour sortir de la Côte-Nord et elle est située en terrain montagneux, dont 50% du parcours avec des pentes critiques et de nombreuses courbes en serpentins limitant les possibilités de dépassements, particulièrement à proximité de la traverse.

Rappelons que la Société du pont sur le Saguenay a tiré la sonnette d’alarme, une fois de plus, lors du terrible accident alors qu’un homme de 40 ans est mort après avoir fait un «vol plané» au volant de son motorisé qui a atterri partiellement sur le navire, en juin 2019.

Ce regroupement de bénévoles avait alors martelé que cet accident mortel, un autre, devait être le déclencheur d’une vaste réflexion sur la sécurité dans ce secteur, dont la configuration à Tadoussac force les conducteurs à descendre une longue et périlleuse côte avant l’embarquement.