
La présence accrue depuis deux semaines des ours noirs en plein cœur des villages sur la Côte-Nord devient inquiétante, voire dangereuse.
Par Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, Ma Côte-Nord.com
«Ce sont des ours affamés», a remarqué Jean-Luc Kanapé, un chasseur innu de Pessamit. «Des oursons orphelins en majorité qui ne savent pas le danger de s’approcher des humains. Les mamans ne sont nécessairement pas là pour que les bébés ne soient pas peureux de la sorte», a-t-il noté.
À Pessamit, la situation est préoccupante, peut-être davantage qu’ailleurs sur la Côte-Nord. Quatre ours ont dû être abattus récemment s’étant aventurés trop près de résidences privées. Et trois autres capturés avec des cages ou encore à «mains nues pour les oursons.»
«Du jamais vu! De 6 à 7 signalements chaque jour. Pendant qu’on en capture pour les ramener dans leur milieu naturel, d’autres arrivent par la plage et les boisés. Les agents de territoire (le nom des agents de la faune chez les Innus) sont débordés», assure celui qui demande au Conseil de bande d’accentuer la collecte des ordures à une fois par semaine au lieu de deux fois par mois.

Les ours mourront cet hiver
Selon ce trappeur et chasseur d’expérience, les bêtes vont mourir naturellement cet hiver. «J’ai constaté que les ours tués n’avaient que 20% à 25% de gras. Habituellement, en cette période de l’année, ils doivent avoir au moins 60 à 70% de gras pour passer à travers leur hibernation», mentionne-t-il, visiblement un grand connaisseur de la chasse à l’ours.
Cet homme de bois est convaincu que les ursidés déambulent près des zones habitées parce qu’ils sont à la recherche de petits fruits et d’abeilles, des denrées rares cet été.
Quant à l’absence des mamans ourses, l’homme de 45 ans croit qu’elles ont été victimes d’actes de braconnage. «Les vésicules biliaires des ours sont très en demande, notamment chez les Chinois qui payent des fortunes. Jusqu’à 10 000$ pour obtenir cette partie de l’anatomie de l’ours, qui une fois séchée à l’apparence d’une pochette tenant dans le creux de la main. C’est que la médecine traditionnelle chinoise lui prête de nombreuses vertus médicinales», explique-t-il.
Il ajoute: «On dit même que la vésicule biliaire de l’ours noir vaut plus cher que l’ivoire de l’éléphant. Pas surprenant que malgré les interdictions d’en faire le commerce au Québec, des chasseurs et des commerçants en font le trafic.»
Des ours aucunement peureux
Un autre secteur de la région qui doit être alerte face à ce problème grandissant des ours errants est celui de Forestville. Encore mercredi, une autre vidéo montre un ourson debout sur ses pattes arrière mangeant des feuilles dans un arbre, juste devant la porte d’entrée d’une résidence. Même le bruit d’une voiture qui passe devant cette maison ne fait aucunement fuir la bête. À Baie-Comeau, trois oursons ont été vus ensemble sur le même terrain privé. Les autorités ont aussi dû intervenir pour un ourson perché dans un arbre. Bref, chaque jour, les réseaux sociaux sont inondés de photos et de vidéos d’ours dans des milieux urbains.
«Je venais de finir de faire boire le bébé et de rentrer les chiens lorsque j’ai vu par la fenêtre un ours sur mon terrain qui est clôturé. Je me demandais si j’hallucinais. J’ai crié à mon chum de venir voir. Nous avons alerté les agents de la faune», raconte Mindy Tremblay, une résidente de la rue Blouin à Forestville.
«C’est bien beau de les photographier, mais c’est moins drôle quand tu es assise sur ton balcon et qu’un ours se pointe le bout du nez au pied de l’escalier. Je me suis levée d’un bond pour entrer à l’intérieur. L’ours a été surpris et il a reculé, mais n’a pas vraiment eu peur, car il est resté autour de la maison un bon bout de temps avant de s’en aller», de dire Gabriel Brigitte Forest-Bérubé de Forestville.
Rappelons que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs reconnaît qu’il s’agit d’une «année exceptionnelle» avec un nombre «anormalement élevé» de signalements. Au-delà d’une centaine de signalements au cours des deux dernières semaines, soit près de dix fois plus que l’an dernier en cette même période de l’année.
À ce jour, 14 plantigrades ont été capturés sur l’ensemble du territoire nord-côtier.