Pédaler de Québec à Natashquan contre les féminicides

Par Olivier Savard, Initiative de journalisme local

Pédaler de Québec à Natashquan sans interruption (ou presque) : c’est ce qu’a fait une cycliste de Québec, Marielle Bouchard, sur une distance de 1 000 km en quatre jours, soit du 27 au 31 juillet dernier, afin de ramasser des fonds pour lutter contre les féminicides. Retour sur un accomplissement important pour la cause.

La cycliste, partie du domaine Maizerets, de Québec, s’est rendue jusqu’au millième kilomètre de son trajet, soit quelques kilomètres avant le village de Natashquan, en l’espace de quatre jours. « J’avais envie de me dépasser et de connaître mes limites », commente Marielle Bouchard. Les fonds amassés iront à La Maison de Marthe, un organisme communautaire qui soutient les femmes en sortie de prostitution. « Ça va aller dans les services qu’on donne à la Maison de Marthe », soutient l’agente de communication de l’organisme, Catherine Gauthier. La collecte de fonds s’est effectuée sur la plateforme en ligne GoFundMe.

Un loisir découvert durant la pandémie

Mme Bouchard, qui fait du cyclisme depuis plus d’une décennie, s’est découvert une nouvelle passion durant la pandémie. « Ça fait longtemps que je fais de longues distances en vélo pour aller visiter divers endroits, comme la côte est des États-Unis, l’Oregon, etc. Cependant, c’était sur de longues périodes, je faisais par exemple 2 000 km mais en un mois, et durant la pandémie, je ne pouvais pas vraiment aller où que ce soit pour visiter. C’est là que je me suis intéressée à l’ultracyclisme, soit de couvrir de longues distances en une courte période de temps », explique la cycliste. « J’ai roulé 24 heures consécutives, et j’ai voulu me tester. J’ai fait mon premier 500 km l’an dernier, je l’ai fait en 31 heures. Après, j’ai eu envie de pousser plus loin, et plusieurs personnes m’ont parlé de faire un 750 km, mais ça aurait été une perte de temps, je pense. Tant qu’à faire 750 km, pourquoi ne pas faire 1 000 km? », s’exclame Mme Bouchard. « J’ai donc décidé de faire 1 000 km, mais je savais que j’allais souffrir, alors je me suis dit, ‘faudrait que ça serve à quelque chose, tant qu’à faire une distance comme ça’, et j’ai décidé de faire ça pour lutter contre les féminicides. »

Un parcours non optimal

Lorsque interrogée sur le déroulement de l’épreuve, Mme Bouchard a commenté que les 500 premiers kilomètres ont été relativement difficiles. « J’avais déjà fait 500 km auparavant, donc j’avais une référence, mais là, c’était dans les côtes. Je l’ai eu dans les genoux; faire de l’endurance dans les côtes, ça donne assez mal aux genoux, et ça a continué pendant le reste du trajet », explique l’ultracycliste.

La pluie et le brouillard furent également de la partie. « Le brouillard n’a pas vraiment aidé : la visibilité était nulle, donc ça pouvait être assez dangereux de nuit, et j’étais complètement trempée, sans compter la pluie. Il y a un moment où je ne devais pas être loin de tomber en hypothermie », commente Mme Bouchard.

Le départ fut également retardé le vendredi matin, pour des raisons de sécurité. « J’étais prête à partir très tôt, mais il y avait des vents assez violents de face et de la pluie, c’était trop dangereux à mon goût, donc on a dû reporter le départ de plusieurs heures », se rappelle Mme Bouchard.

Le bilan du parcours? « Cela a en somme toute bien été, mais le brouillard et la pluie ont rendu ça plus difficile. J’ai aussi fini par avoir un creux dans le coin de Baie-Trinité », résume la cycliste.

Le support du public au rendez-vous

Le support du public fut très présent, selon Marielle Bouchard et l’agente de communication de la Maison de Marthe, Catherine Gauthier. « J’ai eu beaucoup de support de gens d’ici! Je roulais et il y avait des voitures qui me dépassaient, les gens dedans me criaient ‘On te soutient Marielle! On suit ta page Facebook!’ et pourtant je ne les connaissais pas! J’ai l’impression que 300% des gens de la Côte-Nord me connaissaient à ce moment-là », s’exclame Mme Bouchard. « J’ai aussi eu des amis qui sont venus dans les rassemblements, et je ne m’attendais pas à les voir là », ajoute-elle. « À chaque endroit où je m’arrêtais, il y avait toujours des gens pour me soutenir, et les organisations de femme locales étaient toujours là. J’ai été assez surprise de la réponse des gens. »

Cependant, la situation n’a pas été entièrement rose, selon Catherine Gauthier. « On a eu pas mal de fonds jusqu’à maintenant, la récolte de fonds a commencé en avril et on est rendu à 3 125 $ [au moment de l’entrevue] et notre objectif est de 5 000 dollars, mais on était contentes d’atteindre la barre des 3 000 $. Ceci dit, on aurait aimé que les médias en parlent plus, mais l’arrivée du pape nous a coupé l’herbe sous le pied de ce côté-là », déplore l’agente de communication.

Le constat ne fut pas entièrement partagé par Marielle Bouchard. « Les radios en ont beaucoup parlé, il y avait des radios qui suivaient mon trajet pas à pas pendant un moment, et j’ai dû donner six ou sept entrevues à des journalistes avant de partir », constate la cycliste. Le montant récolté avait également augmenté de façon significative. « On a actuellement dépassé notre objectif : le montant est rendu à 5 650 dollars au moment où on se parle », ajoute-elle. Le montant actuel, au moment d’écrire ces lignes, était de 5 755 $.

Une équipe, composée d’ami.e.s de Mme Bouchard, la suivait sur son parcours et lui servait de stand pour ravitaillement, mais également d’endroit pour dormir et recevoir des soins.

Une carrière dans le domaine

Ce n’est pas la première fois que Marielle Bouchard œuvre dans cet objectif. « Je travaille dans le milieu communautaire, avec les femmes, depuis un petit moment. Ça fait environ onze ou douze ans que je travaille à la ROSE (Regroupement des femmes sans emploi) du Nord, et il y a constamment du travail à faire de ce côté-là. C’est en partie pourquoi j’ai décidé de faire la majorité de mon trajet en Côte-Nord : c’est la région au Québec où il y a le plus de violence conjugale, et de loin.

Il y a aussi beaucoup de communautés autochtones dans la région, et les femmes autochtones sont énormément visées. Une femme autochtone est douze fois plus à risque de féminicide qu’une femme allochtone », affirme Mme Bouchard. « Il faut qu’on leur redonne un nom. Quand on en parle, on dit souvent juste que c’est une femme autochtone, comme si c’était juste un nombre. »

Un organisme pour aider les femmes en processus de sortie de prostitution

La maison de Marthe est un organisme communautaire qui a pour but d’aider les femmes en processus de sortie de prostitution. L’organisme, basé à Québec, existe depuis 2000, et est situé dans son emplacement actuel depuis 2014.