
La mort de Joyce Echaquan réveille de douloureux souvenirs chez la famille de Terry Lalo, un Innu de 16 ans happé mortellement par un policier de la Sûreté du Québec, en 2002, à Sept-Îles.
18 ans plus tard, le frère adoptif de Terry s’en souvient comme si c’était hier.
«Quand je suis arrivé à l’hôpital et que j’ai vu mon frère dans le coma, je savais que je venais de le perdre à tout jamais. Un grand vide encore aujourd’hui», confie avec la voix tremblotante, Alexis Malec Lalo.
«J’avais 27 ans et j’aurais pu lui en montrer beaucoup. Non, on me l’a volé par un comportement stupide d’un policier», ajoute-t-il, la gorge nouée d’émotions.
Dix-huit ans plus tard, la famille Lalo attend toujours des excuses de la Sûreté du Québec.
«Personne n’est venue s’excuser. Jamais la SQ, ni le gouvernement. Nous aimerions recevoir des excuses pour au moins sentir un semblant de remords des autorités», mentionne celui qui demeure aujourd’hui à La Romaine, le village natif de Terry.
La mère de Terry, Anita, n’a jamais vraiment voulu crier publiquement sa souffrance depuis le drame. Mais le décès de Joyce Echaquan, laissée pour morte par du personnel médical à l’hôpital de Joliette, en septembre, a ravivé sa colère.
«Mon fils a été tué par un policier raciste de la SQ. Il l’a écrasé avec sa voiture de police. il l’a tiré pour le sortir sous le véhicule comme on tire un chien mort qui a été écrasé.»
La mère de famille devient encore plus colérique soulignant que le policier montré du doigt dans cette tragédie «s’est suicidé, en 2016. Nous n’aurons jamais justice», livre-t-elle avec rage.
Les faits
En 2003, le rapport d’enquête du coroner concluait que l’accident qui a coûté la vie à Terry Lalo aurait pu être évité. «Le manque de jugement du policier m’apparaît grave en raison de la fonction qu’il occupe dans la société», stipulait le rapport.
Pour sa part, le Comite de déontologie policière avait fait le même constat, en 2005, précisant néanmoins que le policier n’avait pas agi avec malveillance. On se questionnait tout de même à savoir pourquoi le policier Richard Turgeon s’était acharné à poursuivre en auto patrouille l’adolescent qui s’enfuyait à pied. L’agent Turgeon avait alors été suspendu 60 jours.
En 2006, la famille s’est tournée vers la Cour supérieure exigeant sa destitution. La requête a été rejetée.
En 2017, la famille entamait des démarches pour réclamer une enquête indépendante. La famille attend toujours cette enquête.
Les Lalo estiment à plus de 100 000 $ les frais engagés à ce jour dans ces démarches judiciaires.
«Nous devons savoir la vérité. On n’a jamais eu la vraie version des policiers. Ils ont dit : «c’est un accident d’une auto patrouille». Ils ne nous ont jamais tout expliqué. On a dû faire nous-mêmes la lumière sur les événements, notamment en embauchant des spécialistes indépendants en reconstitution d’accidents. Le gouvernement a toujours voulu caché l’image de la police. C’est l’omerta. Si mon frère avait été un Blanc, je suis certain que l’enquête aurait été différente», déplore Alexis Malec Lalo.
«Ma soeur Johanne y a laissé sa santé pour que justice soit faite. Aujourd’hui, elle est placée à 55 ans dans une résidence non autonome. Elle ne sait jamais remise d’une profonde dépression. Ce policier a détruit toute ma famille», dit-il avec tristesse.
Soupçonné de vol
Rappelons que le matin du 15 avril 2002, Terry Lalo revenait d’un tournoi de hockey. Le jeune Innu avait été pris en chasse par deux patrouilleurs de la Sûreté du Québec. Il venait de traverser le bouvlevard Laure, deux bières à la main, à 4h15. On le soupçonnaient d’être l’auteur d’un vol commis plus tôt dans la nuit dans un dépanneur.
L’adolescent s’est arrêté pour répondre aux policiers et, pour une raison qui demeure inconnue, il a soudainement pris la fuite à pied. La policière est partie à la course pour épingler le jeune Lalo. L’agent Turgeon, lui, l’a poursuivi à bord de son auto patrouille, allant jusqu’à «sauter» par dessus le terre-plein pour le rattraper.
Il happe l’adolescent qui s’écroule au sol dans le stationnement de l’hôtel Mingan. Terry Lalo succombera à ses blessures deux jours plus tard.
Terry Lalo était un joueur de hockey, un excellent joueur. Pour perpétuer la mémoire de Terry Lalo, l’aréna de La Romaine porte son nom depuis quelques années.
Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, MaCôteNord.com