Transport aérien régional : un manque à gagner de plusieurs centaines de millions

L’absence de concurrence dans le transport aérien régional priverait le gouvernement du Québec de 800 millions de $ en taxe chaque année, indique une étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC).

Le manque de compétition tire le prix des billets vers le haut, observe Robert Laplante, directeur général de l’IREC et rédacteur principal de l’étude. « Les Québécois paient, en moyenne, 180% plus cher que les Ontariens pour les vols intérieurs », remarque le chercheur qui estime inutile de chercher de midi à quatorze heures pour trouver la solution. « Ce que nous comprenons, c’est qu’il y a un problème majeur d’absence de concurrence qui permettrait de baisser les prix et d’améliorer le service. »

Des passagers absents

L’étude de l’IREC montre notamment que le prix élevé des billets pour les vols interrégionaux fait fuir les passagers. Si la proportion de Québécois qui utilisent les vols internationaux correspond à son poids démographique et se compare au reste du pays, les voyageurs de la province boudent le transport aérien régional. « Le Québec, depuis au moins 2010, c’est à peu près 8, 9, 10% du nombre total de passagers qui transitent sur des vols intérieurs au Canada », explique Robert Laplante qui ajoute que cette proportion représente « moins de la moitié de son poids démographique au pays. Quelque chose ne va pas », dit-il.

Pour le chercheur de l’IREC, la première chose qui ne va pas, c’est le prix des billets. « On arrive à des aberrations. Un vol Montréal-Mont-Joli, ça coûte à peu près le double d’un vol Vancouver-Prince-Georges pour une distance comparable. », illustre-t-il. La seconde chose, ce sont la fréquence et les horaires. « Il y a un lien direct entre le prix des billets et le nombre de passagers, mais en plus, les vols sont sur des horaires qui, au niveau du nombre et des fréquences, ont de quoi décourager n’importe quel utilisateur. »

Des intuitions confirmées

La Coopérative de transport aérien régional (TREQ) ne s’étonne pas des conclusions de l’étude. « Elle confirme toutes les intuitions qu’on avait », soutient Serge Larivière, directeur général de la coopérative qui souligne la neutralité de la recherche. « On n’est pas dans l’éditorial là. Ce sont des données de Statistique Canada. C’est basé sur des faits. »

Serge Larivière estime que le travail de l’IREC donne un outil additionnel aux différents paliers de gouvernement pour déterminer la façon dont ils soutiendront le transport aérien en région. « Est-ce que tout le monde, le gouvernement inclus, est conscient de l’ampleur du problème ? Je suis tombé en bas de ma chaise quand j’ai lu dans le rapport qu’il manquait 11 millions de passagers au Québec [pour rejoindre la moyenne canadienne]. 11 millions! », s’étonne le directeur général de TREQ.

Québec interpellé

La coopérative projette de mettre en service cinq Q400 dans un avenir rapproché et promet des prix beaucoup plus abordables que ce que nous observons sur le marché québécois en ce moment. Le financement du projet serait pratiquement complété, soutient Serge Larivière. Le gouvernement fédéral a déjà promis 3,5 millions de dollars, au cours de l’été, alors que Québec ne s’est toujours pas manifesté. « On n’est pas à l’étape d’attendre si Québec va embarquer ou non », reconnaît Serge Larivière qui s’accommoderait très bien d’une intervention réglementaire pour que les joueurs actuels ne déclenchent pas de guerre de prix lorsque TREQ prendra son envol.

Robert Laplante estime pour sa part nécessaire que Québec intervienne sur le marché du transport aérien régional qu’il qualifie de dysfonctionnel. « C’est un enjeu de cohérence des politiques publiques », affirme le chercheur. « Le gouvernement ne peut pas continuer à dépenser des sommes importantes pour encourager l’établissement d’entreprises en région, soutient Robert Laplante, en même temps qu’il les prive d’une desserte aérienne de qualité. »

Pour le chercheur de l’IREC, le redressement du marché du transport aérien régional relève également de Québec puisqu’il ne viendra manifestement pas des joueurs qui occupent le marché en ce moment. « L’offre de service est définie par les attentes de rendements financiers des compagnies aériennes. Ces attentes n’ont rien à voir avec les besoins des régionaux », précise l’auteur principal de l’étude. « Leurs attentes sont strictement fondées sur l’intérêt des actionnaires. »

Selon Robert Laplante, il faut plus de concurrence sur le marché, que ce soit sous forme de coopérative ou autrement. « L’arrivée d’une coopérative comme TREQ, pose le problème dans ses vrais termes. Une offre de transport a besoin d’être viable économiquement. Une fois cette viabilité établie, les appétits des membres de la coopérative ne sont pas les mêmes que ceux des actionnaires d’Air Canada », analyse le chercheur.

Chez TREQ, si le moment de l’envol de la coopérative reste indéterminé, il n’est pas question d’abandonner soutient Serge Larivière. « La seule chose que nous on refuse de considérer, c’est d’arrêter notre projet. »