Un nouvel album après la « misère noire » pour Keven Chouinard

Originaire de Maliotenam, Keven Chouinard, ce chanteur qui revient de loin, lance son 2e album Chacun son chacun. Des paroles qui démontrent que nous avons tous droit à une seconde chance. Encore plus lui, qui a survécu aux pires épreuves, que peut vivre une personne dans sa vie. 

Stéphane Tremblay, Initiative de journalisme local, MaCôte-Nord.com

Ce chanteur, âgé de 40 ans, remonte à la surface après avoir touché le fond du baril dans son plus profond, et ce, plus d’une fois. Dès son enfance, il a vécu de la « misère noire ». 

Né d’un père chansonnier (dont les funérailles ont eu lieu la semaine dernière) et d’une mère barmaid, il a été placé en Centre jeunesse à 13 ans. « Trop turbulent et détestable », reconnaît cet autochtone qui a habité sur la Côte-Nord jusqu’à l’âge de 5 ans avant de déménager au Saguenay. 

Incapable d’accepter l’autorité, il a fugué. Très mauvaise décision. 

Pas un sou, il s’est retrouvé dans les rues de Montréal à dormir dans des parcs. Le jour, il se droguait. Des drogues dures : crack, cocaïne, PCP, acide et la liste s’allonge de façon inquiétante. « J’étais toujours gelé comme une balle », se souvient celui qui s’est confié, sans honte, à macotenord.com dans le but de donner espoir que « tout le monde peut s’en sortir ».

Accro au crack

Pour se payer sa drogue, il se prostituait. « Les premières fellations ne sont pas faciles, les autres non plus. Même si j’avais été forcé d’en faire à mon oncle qui m’abusait alors que je n’avais que 11 ans, tu ne t’habitues jamais », livre-t-il, la gorge serrée, ajoutant que son « abuseur » avait été dénoncé et condamné des années plus tard.

C’est ce « monstre » qui l’a initié à la cocaïne. « Après en avoir pris une fois, j’en voulais toujours. »

La prostitution aussi est un cercle vicieux et Keven Chouinard l’a vite constaté. 

« Tu veux de la drogue pour oublier ce que tu fais comme job sale, mais plus tu veux de la drogue, plus tu as besoin d’argent pour l’acheter et plus que tu dois faire des « pipes » à des clients de 20 à 60 ans », lance-t-il, d’une voix colérique.

Ne voyant pas passer le temps, malgré un quotidien d’enfer, il quittera Montréal pour « un plus gros buzz ». 

Pire à Toronto 

Alors âgé que de 14 ans, il débarque à Toronto, la Ville Reine. « C’était la reine aussi pour avoir du crack deux fois plus facilement, pour deux fois plus de quantité et pour deux fois moins cher », raconte-t-il en précisant qu’il s’était rendu dans cette ville de l’Ontario sous l’influence d’autres toxicomanes. 

Durant tout ce temps, il ne prendra des nouvelles de personne. Pas même de ses parents. Sa mère le croyait mort.

Bien vivant, il traînera dans des rues au Québec et aux États-Unis allant même à traverser illégalement la frontière américaine. Par la suite, il vivra d’aventure en aventure, toutes aussi troublante les unes que les autres. Il sera notamment arrêté par la police et retourné en Centre jeunesse. « J’ai été sous leurs griffes à peine 30 minutes, car j’ai pris mes jambes à mon cou et j’ai couru. Ils ne m’ont jamais rattrapé », explique-t-il en ricanant. 

Beaucoup moins drôle, le calvaire s’est poursuivi en « vendant son corps » pour manger et se procurer ses drogues. Tanné de cette vie de vagabond, il se livrera lui-même aux autorités. 

« J’avais besoin d’un break. On m’a placé dans un centre jeunesse fermé où c’était pas mal plus difficile de fuguer. J’y suis resté jusqu’à mes 18 ans moins 7 jours », se souvient-il ayant gardé bien en mémoire chaque jour passé dans cette « prison pour jeunes ».

À peine venait-il d’obtenir l’âge légal pour être considéré comme un adulte, Keven ira changer son premier chèque d’aide sociale pour…de la drogue. 

Le voilà reparti au volant d’une voiture volée. Cette fois en direction de l’Ouest canadien. La GRC l’intercepter en Alberta, il tentera de fuir, mais en vain. « Ils m’ont sacré une volée, me rouant de coups et me frottant la face sur l’asphalte. Un jour, la justice va s’occuper d’eux aussi ». 

De retour au Québec

C’est son grand-père qui lui sauvera la vie, en quelque sorte. « Il est parti du Québec pour venir menacer les policiers de poursuite, car ils avaient agi en cabochons. Voyant que mon grand-père était fortuné, ils ont eu peur et ils ont accepté de me libérer à condition que je quitte la Colombie-Britannique dans moins de 24 heures ». 

C’est aussi son grand-père qui l’a convaincu de faire face à la musique une fois de retour au bercail alors que pas moins de 140 chefs d’accusation pesaient contre lui. 

Le Tribunal lui imposera une sentence à purger dans la collectivité, frappée d’une assignation 24 heures sur 24 à la maison, sauf quelques exceptions comme aller à l’école. Keven en profite donc pour retourner s’asseoir sur les bancs d’école. L’une de ses plus grandes réussites. Il sera finissant dans trois formations aux adultes, soient mécanique d’engins de chantier, conduite de machineries lourdes et mécanique industrielle de construction et d’entretien. « J’ai adoré retourner à l’école », dit-il en affichant le sourire d’un homme fier d’avoir relevé ce défi. 

Décidé de prendre sa vie en main, à 25 ans, il demandera de suivre une thérapie en désintoxication. Six mois plus tard, une seconde, car « je ne me sentais pas assez fort pour affronter mes démons, » admet celui qui aura finalement surmonté 12 ans de drogues et des mois en détention dans trois provinces canadiennes. 

Une fois de retour dans la société, ce résident de St-Benoit, non loin de Mirabel, se dénichera un « vrai » job pour la première fois. Il a travaillé en mécanique industrielle. Et puis comme conducteur de machineries lourdes. Mais l’appel de la musique est trop fort.

Une voix cristalline 

Keven Chouinard plonge de nouveau dans le vide, il y a 4 ans. Au même moment qu’il décide de consacrer sa vie à la musique, arrive la naissance de son bébé, Jazz. « Depuis, tout a changé. J’ai de nouveau le goût d’être papa et d’assurer un avenir à mes enfants », livre avec émotion ce père de deux autres enfants, une grande fille de 19 ans, Joanie, dont la relation père-fille n’a pas été toujours rose et Philippe, 7 ans.

Grand romantique, Keven écrira les chansons de son 1er album, en 2018, intitulé L’amour de ma première. Au-delà de 16 chansons chantées avec le cœur, racontant sa tumultueuse vie. Certes, ce ne sont pas les événements qui manquent pour avoir de l’inspiration. 

Sobre depuis des années, il « met ses tripes sur la table » avec son nouvel album. Ce sont 11 nouvelles chansons qui laissent transpercer la rage de vivre de cet auteur-compositeur à la voix cristalline, tantôt pop et rock, tantôt folk. « C’est ma vie actuelle, celle de mon retour sur deux pattes, beaucoup plus solide. Celle où j’apprends à m’aimer tel que je suis, à me connaître et à saisir mes forces », souligne celui qui est suivi par des milliers de fans sur les réseaux sociaux kevinchouinard.ca

« Je vis de ma musique même si ce n’est pas toujours facile et encore moins avec la COVID alors que tous les shows sont annulés », déplore-t-il, en précisant qu’il est un artiste autodidacte étant responsable du montage, des vidéoclips et des envois postaux de ses albums.

Malgré sa popularité grandissante sur le Web, notamment, Keven Chouinard est très solitaire. « Je suis toujours seul. Je surveille mes fréquentations sachant que je suis fragile et qu’une seule petite allumette pourrait me faire revenir d’où j’arrive. J’ai peur ! »

Clé USB ou CD

Keven Chouinard est l’un des premiers chanteurs, tous les artistes confondus, à présenter son album sous forme d’une clé renfermant les 2 albums ou encore sur un « vieux » CD. 

Pour l’encourager et entendre ses textes très « humain », faites-lui signe sur Facebook, vous aurez droit à un brin de jasette avec lui et qui sait peut-être obtiendrez-vous un passage de sa touchante histoire qui n’a pas été racontée dans cet article. Il y a de fortes chances.

Keven présente son album sous forme d’une clé USB.